A la votre! - L'alcool dans les Maîtres de l'Affiche.
Dans le contexte d’émulation artistique poussée par la massification de la diffusion des affiches publicitaires, commerçants et artistes eurent à créer des images nouvelles pour des produits nouveaux. Ce contexte de médiatisation de la consommation s'applique également à des produits vieux comme le monde, comme les boissons alcoolisées.
Alors largement vendus dans les officines en tant que médicaments, les boissons dites fortifiantes contenaient en effet toutes sortes de produits censés remédier à la langueur :
lacto-phosphates de chaux, quinine, kola,
huile de foie de morue, suc de viande, cacao.
Les affiches et autres formats publicitaires imprimés permettaient alors de vanter les bienfaits pour toutes la famille de ces breuvages aux recettes secrètes. La Quinquina Dubonnet, représentée par deux fois par Jules Chéret, eut une histoire similaire puisque ce médicament inventé par le chimiste J. Dubonnet en 1846 pour lutter contre le paludisme devint progressivement un apéritif apprécié des cafetiers et de leurs clients.
CHERET Jules
Quinquina Dubonnet. 1896.
Cependant, le siècle vit une tendance autrement plus pessimiste quant aux conséquences de la boisson se diffuser à travers les mentalités. La montée du mouvement hygiéniste, puis la Loi Théophile Roussel de 1873 condamnant l’ivresse publique, mirent l’accent sur les conséquences néfastes des breuvages alcoolisés pour la société, la famille, et la morale.
Bien qu'encencé par certains comme secret de vitalité, l’alcool fut rapidement mis sous le joug de la législation, au vue des réels problèmes de santé publique que sa surconsommation se mit à engendrer.
MUCHA Alfons
Bières de la Meuse. 1898-1899.
Les réclames imaginées par les différentes maisons d’alcool du XIXème ne purent dès lors se faire qu’avec des concessions à la bienséance.
Pour échapper à un imaginaire de bas-fond le poursuivant, l’alcool et son image se transforment en se faisant soudain produit de luxe, destiné à une compagnie distinguée et pondérée.
S’appuyant sur ce dessein, les affichistes créèrent des images raffinées, habitées par des jeunes femmes à la toilette élégante ou par des figures exotiques.
L’alcool fait donc peau neuve au XIXème, s’engageant dans une bataille médiatique avant l’heure pour s’assurer une image désirable. Les différentes affiches présentes dans les cinq volumes annuels des Maîtres de l’Affiche, publiés par Chaix au cours de la dernière décennie du XIX, restent un parfait exemple de la cristallisation des tensions qui entourèrent alors l’alcool, présentant des produits entre grivoiserie et distinction.
REALIER-DUMAS Maurice
Champagne Jules Mumm. 1895-1898.