DÜRER Albrecht
Nüremberg 1471 † 1528 id.
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Bois gravé. |
210 x 294 mm (trait carré). |
Feuille coupée à l’extérieur ou sur le trait carré. Petites épidermures aux angles, visibles en rétro-éclairage. Traces de frottement sur le ventre de l’animal. Un pli vertical médian, renforcé au dos. Un pli d’impression au-dessus du titre de la planche. Au verso : annotations au crayon (« B. 136 »), petits résidus de colle et restes d’un ancien montage aux angles supérieurs. |
Bartsch n°136. Meder n° 273.4. Hollstein n°273d. |
Le 20 mai 1515, un rhinocéros indien débarque à Lisbonne. Premier de son espèce à fouler le sol européen, le pachyderme, offert en cadeau diplomatique au roi Manuel Ier par le sultan de Gujarat, fascine et subjugue. Dans le port lisboète, négociants, savants et curieux multiplient les esquisses de l’animal. L’une d’entre elles, ainsi qu’une description, envoyée à la guilde des marchands de Nuremberg par l’imprimeur Valentin Ferdinand, parviennent aux mains d’Albrecht Dürer. L’artiste s’en empare et livre l’une de ses estampes les plus célèbres. Celle-ci, pourtant, est fort différente des représentations naturalistes qui font la renommée du maître allemand. N’ayant pu observer la bête in vivo, Dürer use d’une écriture décorative, favorisée par la technique du bois gravé, et laisse libre cours à son imagination. Il n’hésite pas à doter l’animal d’une dent de narval et à recouvrir ses pattes d’écailles reptiliennes. « Dürer fait de cette créature, déjà bizarre en soi, un extraordinaire assemblage stylisé d’écailles, de plaques et de carapaces, évoquant une armure fantastique », écrit Erwin Panofsky. On ne peut moins réaliste, l’estampe de Dürer vient corroborer les écrits de la littérature médiévale sur le rhinocéros. Largement redevables de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien, ceux-ci décrivent une créature exotique et féroce, « ennemie mortelle de l’éléphant ». D’emblée, la fortune de cette image est immense et pas moins de huit éditions sont réalisées entre les XVIe et XVIIe siècles. Le Rhinocéros de Dürer s’impose durablement comme archétype, servant à l’illustration d’ouvrages scientifiques et encyclopédiques : dès 1516, on en retrouve la copie dans le livre Carta marina de Martin Waldseemüller, puis en 1551, dans Historia Animalium de Conrad Gessner, ainsi que chez Edward Topsell, au siècle suivant, dans History of Four-Footed Beasts (1607). Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, la planche sert ainsi de référence aux ouvrages de zoologie. |
Vendu
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CAT 36 n°1 |