Autoportrait de Gustave Le Gray. 1851.
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LE GRAY Gustave Villiers-le-Bel 1820 † 1884 Le Caire et MESTRAL Auguste Rans 1812 † 1884 id.

Autoportrait de Gustave Le Gray. 1851.

Description de l'oeuvre

LE GRAY Gustave Villiers-le-Bel 1820 † 1884 Le Caire et MESTRAL Auguste Rans 1812 † 1884 id.
Photographie.
338 x 243 mm (épreuve). 450 x 314 mm (montage).
Feuille montée sur vélin. Manque important en pied, atteignant la pointe de la veste du photographe. Quelques très légères et fines griffures en surface. Au dos du montage : 3 gravures anciennes, et marque de collection mauve, « L. BONGARD » (lugt non décrit).

Épreuve sur papier salé, d’après un négatif papier ciré sec.

Numéroté « 540 » dans le négatif, dans l’angle supérieur gauche.

Marque des étaux bien visibles dans le négatif, dans l’angle supérieur droit, et dans l’angle inférieur gauche.

De toute rareté.

Une seule autre épreuve connue :
Pierre Bergé & Associés, vente du 19 mars 2015, lot n°101.

La mission héliographique:
Au mois de mai 1851, Gustave Le Gray est délégué par la commission des Monuments historiques pour photographier une liste de monuments remarquables du sud-ouest de la France. D’autres figures pionnières de la photographie participent à cette vaste campagne de recensement, et doivent couvrir le reste du pays : Hippolyte Bayard, Henri Le Secq, Édouard Baldus et Auguste Mestral. Le Gray décide de fusionner son itinéraire avec celui de son élève et ami, Auguste Mestral. Entre juillet et octobre 1851, équipé d’une voiture et de deux chambres noires, le tandem sillonne le territoire de la Loire aux Pyrénées, du château de Chambord à la cité de Carcassonne. Les deux hommes, qui se connaissent depuis 1848, réalisent ensemble les prises de vue - et se présenteront d’ailleurs en tant que coauteurs devant la commission.

Un champ d’expérimentation
Pour Gustave Le Gray, qui vient de mettre au point le « négatif papier ciré sec », la mission héliographique est un champ d’expérimentation inespéré. Pendant trois mois, les photographes exécutent jusqu’à trente prises de vue par jour, une véritable prouesse rendue possible par l’invention de Le Gray. En effet, celle-ci dispense de maintenir humides les négatifs papier, facilitant considérablement le travail en extérieur. Les feuilles peuvent être préparées jusqu’à quinze jours à l’avance, et développées plusieurs heures après la prise de vue. « Tout le monde comprendra combien ce nouveau procédé facilite les opérations en voyage », écrit Le Gray. Méthodiques, les deux hommes numérotent les négatifs dans l’ordre chronologique.
Cette numérotation, allant jusqu’à 605, témoigne d’une production soutenue et indépendante, débordant largement le cadre imposé par la commission des monuments historiques.

Progressivement, le recensement scientifique s’accompagne de véritables digressions artistiques. Entre leur séjour à Carcassonne – point culminant du voyage – et leur retour à Paris, les « photographistes » s’autorisent de nombreux clichés personnels : des vues d’Amélie les Bain, du Pont Palaldas et du pont du Gard. Dans les Pyrénées-Orientales, les cloîtres gothiques d’Elne et d’Arles-sur-tech servent d’écrin à deux autoportraits de Gustave Le Gray. Le premier, réalisé à Elne, est aujourd’hui en mains privées (nous n’en avons trouvé aucune reproduction dans la littérature). Le second, pris très peu de temps après, n’est connu pour l’heure que par deux épreuves, dont celle que nous présentons.

Un manifeste artistique
Vêtu d’un costume noir de ville, Le Gray pose sous une arche gothique, jambes croisées et cigarette à la main. La blancheur insolente des guêtres, du chapeau et du col, accroche irrésistiblement l’œil du spectateur, et rehausse l’austère architecture médiévale d’une touche de modernité et de dandysme. L’élégance et la familiarité subtile de la mise en scène rappellent, dans leur esprit, d’autres portraits de Le Gray, habitué de compositions libres et volontiers énigmatiques – nous pensons ici à son fantomatique Autoportrait dans le miroir de la table de toilette de la duchesse de Parme, réalisé la même année, où le photographe parvient à capter son ombre fuyante dans un miroir.

Contrairement à ses pairs, Le Gray s’est peu consacré au portrait, lui préférant le paysage. Il en a cependant maîtrisé tous les codes, et signé d’authentiques chefs-d’œuvre en la matière : citons ici le portrait rêveur et mélancolique du dramaturge Edmond Cottinet (1849), et celui du sculpteur Auguste Clésinger (1855), d’une vigueur éblouissante, qui fut longtemps donné à son élève Félix Nadar.

Par la clarté et l’équilibre de sa composition, la beauté de ses contrastes et la maîtrise de son clair-obscur, notre autoportrait est à mettre au rang des œuvres importantes du photographe. Réalisé en dehors des exercices imposés, au moyen d’une technique nouvelle, il témoigne du savoir-faire exceptionnel de Le Gray, comme de l’affirmation de ses ambitions esthétiques.

Le Gray met ici en pratique ce qu’il théorisera quelques mois plus tard dans son Traité nouveau…des procédés et manipulations sur pierre et sur verre (1852), y plaidant pour la reconnaissance de la photographie comme art à part entière : « J’émets le vœu que la photographie, au lieu de tomber dans le domaine de l’industrie, du commerce, rentre dans celui de l’art. C’est là sa seule, sa véritable place, et c’est dans cette voie que je chercherai toujours à la faire progresser. »

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CAT 36 n°22