SENEFELDER Aloys
Prague 1771 † 1834 Munich
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Album in-quarto broché de 20 pages lithographiées, sous couverture souple muette jaspée. |
H275xL210mm. |
Rousseurs, taches d’humidité et marque d’oxydation sur la première page. Plusieurs mouillures dans les pages intérieures. |
Bel et rare exemplaire, complet de ses 20 planches, dont le Génie de la lithographie de N. H. JACOB (pl. IX), et deux incunables de la lithographie en couleurs (pl. VIII et XVII). Supplément à l’édition française du traité de Senefelder, L’Art de la lithographie (1819). Cachet de collection du miniaturiste et lithographe Constant-Viguier (1799 † 1840) sur la page de titre.
En France, les débuts de la lithographie sont le fruit du labeur de quelques hommes, passionnés d’art et de technique : Friedrich André, Vivant Denon, Charles de Lasteyrie, Godefroy Engelmann et Aloys Senefelder. Les trois derniers occupent une place de choix par leurs publications théoriques et pratiques, dont nous présentons ici deux rares spécimens richement illustrés : le Recueil d’Essais Lithographiques d’Engelmann (1816), et la Collection de plusieurs essais en dessins et gravures, supplément de l’important traité sur L’Art de la lithographie, de Senefelder (1819)
Deux recueils promotionnels : Ces parutions consacrent plusieurs années de recherches et présentent un vaste panel des possibilités offertes par la lithographie. La sélection des planches, réunies dans un but promotionnel, met en avant les qualités plastiques de ce nouveau procédé - la profondeur veloutée et le moelleux de son crayon - ainsi que ses applications proprement commerciales, dans des domaines aussi variés que : la cartographie, l’édition musicale, la reproduction fidèle d’éléments manuscrits, peints ou dessinés, permettant de diffuser, à des fins didactiques, les collections d’art muséales.
Recherches et audaces techniques: Plusieurs planches témoignent des expériences atypiques menées par Engelmann et Senefelder. Afin de rapprocher la lithographie des techniques de taille douce traditionnelles, ces derniers n’hésitent pas à soumettre la pierre calcaire aux attaques de l’eau-forte, du burin ou de la pointe sèche, obtenant ainsi des gravures en creux sur pierre. L'accent est également mis sur la lithographie en couleurs, avec le recours à des papiers teintés, et la surimpression de plusieurs matrices.
Des travaux récompensés: Ces tours de force techniques font la fierté et la renommée de leurs inventeurs. Engelmann, dès 1814, reçoit pour ses tirages en couleurs les remerciements de la Société d’Encouragement pour l’industrie nationale. Deux ans plus tard, l’imprimeur mulhousien, désormais installé dans la capitale, les fait figurer ostensiblement sur la couverture de ses Essais. En 1819, la même Société décerne à Senefelder, résidant depuis un an à Paris, une médaille d’or pour son traité sur l’Art de la lithographie , qui précède de peu la publication de son supplément. La réception critique de ces travaux pionniers est donc excellente - quoique restreinte à un public de spécialistes. Les applications nombreuses de la lithographie et, surtout, ses fortes capacités mimétiques, conquièrent les amateurs éclairés.
Les fac-similés lithographiques : une nouvelle expérience esthétique À une époque où la photographie n'existe encore qu'à l'état de recherche embryonnaire, on imagine sans peine le pouvoir de fascination exercé par les fac-similés et les habiles reports des deux imprimeurs. L'illusionnisme de ces planches qu'on appellerait, sans doute improprement, des reproductions - les toutes premières de l'histoire de l'art - procure de nouvelles expériences esthétiques aux amateurs, en leur permettant notamment d’avoir accès à des œuvres muséales. L'enthousiasme de Goethe à la réception de l’album de Dessins à la main de sujets chrétiens et mythologiques d'Albrecht Dürer, dessiné par Strixner et publié en 1808 par Senefelder, est célèbre : “M'eût-on offert les ducats nécessaires pour recouvrir entièrement les planches lithographiques, cet argent ne m’aurait pas procuré autant de plaisir que ces œuvres-là30”, confia-t-il au président de l’Académie des Sciences de Bavière. Senefelder ne manque pas, dans sa Collection d’essais de 1819, de faire figurer de nouveau une copie de dessins de Dürer, exécutée cette fois-ci par ses soins. Engelmann, de son côté, reçoit aussi de vibrants éloges pour ses lithographies d'après les loges de Raphaël31 (qu’il n’inclut toutefois pas dans ses Essais) .
Une technique promise à un riche avenir : Le choix des sujets privilégié par l’imprimeur munichois, puisé dans l’antiquité et l’œuvre des grands maîtres, tend à l’évidence à anoblir une technique qui n’a pas encore obtenu, dans le domaine des beaux-arts, de reconnaissance véritable, et qui se trouve, pour l’heure, toujours assignée à la catégorie des “Arts économiques32”. Les compositions originales présentes dans nos deux recueils n’en prennent que plus de valeur, et laissent présager tout le potentiel artistique de la lithographie. C'est le cas notamment des planches de Nicolas-Henri Jacob, dont le grain suave vient adoucir l'épure néoclassique (Senefelder, pl. IX). Le crayon lithographique, imitant les effets du dessin à la pierre noire, se prête également à merveille au vibrant portrait de Girodet (Engelmann, pl. I)
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Vendu
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CAT XXXII n°10.2 |